90%. Ce chiffre publié par Forbes représente à ce jour le taux d’échec à 5 ans des start-ups hardware.
Et il monte d’ailleurs à plus de 95% au bout de 10 ans !
C’est forcément très impressionnant (voire effrayant) et le fait d’avoir déjà levé des fonds, ou commercialisé un produit ne garantit en rien la pérennité d’une start-up hardware, qui peut disparaitre du jour au lendemain.
Un exemple récent dans le petit monde du hardware, la start-up californienne Anki et son attachant petit robot Cozmo, élu jouet de l’année en 2017 et permettait aux enfants de s’initier à la robotique et aux bases du code.
Anki, c’était 200 Millions de Dollars levés et 1,5 millions de Cozmo vendus (au prix de 180€).
Pourtant, le 30 Avril 2019, Anki n’a plus d’argent et met la clé sous la porte en laissant derrière elle ses 200 employés qui n’avaient, bien sûr, rien vu venir.
Anki avait tout misé sur une énième levée de fond qui n’aboutira jamais, quelle triste fin…
9 jeunes pousses sur 10 ne passeront donc pas le cap des 5 ans. La loi du marché et les nombreuses barrières où embuches font rarement dans le détail, et les facteurs d’échecs sont malheureusement bien souvent les mêmes.
Petite analyse non-exhaustive des facteurs et raisons qui peuvent expliquer ces chiffres :
Facteur n°1 : Le manque de liquidité et de financements
Pour toute entreprise, l’argent est le moteur de tout.
Et encore plus lorsque l’on parle d’une start-up hardware.
Si les premières étapes de prototypage et de maquettage sont généralement assez peu coûteuses et sont en grande partie finançables grâce à des subventions publiques, prêts d’honneurs, love money ou fonds propres, on passe à une toute autre échelle lorsqu’il s’agit de financer les dépenses et les investissements nécessaires à l’industrialisation de votre produit.
Le recrutement, les prestataires, les locaux, les certifications, les tests, les outils de production sont autant de frais dont vous ne pourrez pas vous affranchir et qui vous seront demandés en totalité avant même de pouvoir produire et vendre le 1er exemplaire de votre produit.
Raison supplémentaire pour ne pas bâcler les étapes de prototypage et votre argumentaire commercial !
Ce sont eux (entre autres) qui vous permettront d’embarquer dans l’aventure des investisseurs et vos premiers clients.
Miser sur le crowdfunding pour financer vos investissements est un gros risque. Les campagnes de financements participatives ne sont pas faites pour cela. Considérez-les plutôt comme un moyen de communication supplémentaire pour valider l’attractivité de votre produit et / ou de faire les préventes sur vos premières productions.
Facteur n°2 : Ignorer son marché, ses concurrents et les besoins de sa cible.
Il n’y a pas plus aveugle qu’un porteur de projet, amoureux de son idée.
Et c’est normal au fond, un projet c’est un peu comme son « bébé » ; une idée devenue projet et qui fût longuement murie et réfléchie.
Alors dans ces conditions, comment envisager que son produit ne parvienne pas à trouver sa cible et son marché ?
Et pourtant… Le piège réside ici à vouloir s’obstiner à développer un produit pour soi, sans vouloir le confronter à la réalité du marché et à sa cible.
D’ailleurs quelle cible ?
La réponse que l’on entend souvent est : « ma cible c’est tout le monde ».
Ce n’est pas simple, même si l’on souhaite que tout le monde achète ce produit, il est impératif de bien définir sa cible client et d’analyser ses besoins pour leur proposer un produit qui leur correspond précisément, et qu’ils vont DESIRER.
Sinon vous risquez d’avoir fort à faire pour parvenir à créer un nouveau besoin et à convaincre.
De nombreux outils et ressources documentaires existent pour analyser minutieusement votre marché. Par exemple, le département PRISME de la Bibliothèque Nationale de France donne accès à pléthore de publications et études de marché gratuitement.
Il y a t-il un marché pour mon produit ? Quelle est la taille de celui-ci ? Qui sont mes concurrents directs et indirects ? Quelle part de marché réaliste puis-je espérer en contrôlant mes coûts d’acquisition client ?
Beaucoup de questions auxquelles il faut répondre et qui permettent d’étoffer un business plan et d’y inscrire des chiffres cohérents et vérifiables.
Il est également fortement recommandé de mettre le produit entre les mains d’utilisateurs potentiels le plus rapidement possible afin de collecter le maximum d’informations et pouvoir si besoin, l’adapter à leurs attentes – et non pas fonctionner avec des a priori.
Enfin, il n’existe pas de produit sans concurrence directe ou indirecte.
Comment s’en sortent les gens aujourd’hui sans ce produit ? Identifier rapidement les produits de substitution qui pourront concurrencer le produit et analyser leurs forces et faiblesses.
Cette analyse permet de déceler les opportunités de différentiation et de définir quelle sera la proposition de valeur du produit, d’en déterminer un prix de vente crédible.
On augmente ainsi les chances de sécuriser sa cible et son marché.
- Le business model est un point qui devra également retenir toute votre attention.
- Qui ciblez-vous ? Les consommateurs finaux ou les entreprises ?
- Pour quel type de revenus ? Récurent ou one-shot ?
Votre start-up devra rapidement trouver un business model pérenne, vous garantissant des revenus réguliers, vous permettant de s’exonérer le plus rapidement possible des levées de fonds et d’être autonome financièrement.
Facteur n°3 : La non-maitrise des délais de développement.
Autre point à ne pas négliger et en relation directe avec vos besoins financiers : vos délais de développement. Certains diront qu’il faut obligatoirement être optimiste pour monter sa boîte. Mais il est important de bien se faire conseiller ou de bien s’entourer pour anticiper tous ces délais, surtout s’il s’agit de la première fois que vous industrialisez un produit bien sûr…
Faire de la sur-ingénierie et vouloir impérativement sortir le produit parfait est un piège qui pourrait vous couter très cher. Certains en ont joué comme la start-up Blade à ses débuts, avec le site « En attendant Shadow », qui tenait les premiers acheteurs informés des déboires de l’industrialisation.
Pourquoi exiger le dernier modèle de microcontrôleur, cher et à la disponibilité limitée, alors que la génération d’avant, toujours en production et disponible à moitié prix fera le travail tout aussi bien ?
Le bon produit, c’est celui qui remplit la fonction pour laquelle il a été pensé, qui est disponible et au bon prix.
D’où l’intérêt de réaliser preuves de concepts et prototypes en amont. Ils vous seront utiles pour tester votre produit et ses fonctions.
Définissez votre Minimum Viable Product, concevez-le, testez-le et commercialisez-le !
Il vaut mieux sortir un produit avec peu de fonctions dans un délai court plutôt que de s’acharner à vouloir implémenter toutes les fonctions, même les plus dispensables et ne rien sortir.
Gardez en tête que tant que vous n’avez pas de produit à vendre, vous ne ferez aucun chiffre d’affaire et que sans revenu régulier, vous ferez courir des risques à votre start-up.
Rien ne vous empêche de prévoir dans votre roadmap la commercialisation d’une version 2 plus puissante, plus aboutie et avec plus de fonctions dans les mois ou l’année suivante.
Facteur n°4 – Lancer sur le marché un produit de mauvaise qualité.
Attention, maitriser ses délais de développement ne veut pas dire bâcler le travail.
Votre produit devra être testé et validé rigoureusement avant d’être mis sur le marché.
Il faut différentier 2 types de tests :
- Normatifs : ils sont obligatoires avant la mise sur le marché. Ils viseront à s’assurer que le produit est parfaitement conforme aux normes et aux législations en vigueur (par exemple, qu’il ne soit pas dangereux, coupant, brulant, ne parasite pas des bandes de fréquences non autorisées etc…).
- Qualitatifs : Eux sont optionnels et restent à la seule discrétion du porteur du projet.
Il s’agit de s’assurer que le produit fonctionne comme attendu, qu’il ne ‘bug’ pas et soit suffisamment résistant pour supporter l’usage pour lequel il a été conçu.
C’est généralement sur ces derniers que les start-ups décident de faire des économies et c’est une erreur. Commercialiser un produit non abouti pourra être fatal à une start-up.
Un produit avec un taux de panne important, des bugs critiques sont la pire des publicités possibles, surtout au lancement lorsque les médias s’intéresseront à votre nouveauté.
Des mauvais retours peuvent détruire tout ce que vous aviez accompli jusqu’alors.
Idem en termes de coût, chaque produit étant garanti (2 ans en France), ce sera à vous de supporter l’intégralité des couts de réparation ou pire, d’une campagne de rappel.
Ne sacrifiez pas vos tests qualité sous prétexte de devoir tenir votre planning ou votre budget et considérez plutôt que pour chaque euro et heure investis dans le développement, il faudra en consacrer le double aux tests validation et qualité.
Facteur n°5 : Fondateurs, salariés et investisseurs.
Dernier facteur important : Sachez-vous entourer !
Des divergences d’opinions entre les fondateurs ou les investisseurs, de mauvais recrutements et des profils mal adaptés ou trop juniors (stagiaires) et c’est toute l’entreprise qui est fragilisée.
Une start-up, comme toute structure, doit avant tout être cohérente et unie.
Cohérente, vis-à-vis de ses objectifs de croissance et des produits en développement.
Par exemple, ne vouloir recruter que des ingénieurs et faire l’impasse sur des profils différents et complémentaires tels que les designers, commerciaux ou marketing peut être un risque à moyen terme lorsqu’il s’agira par exemple de faire autre chose que développer votre produit techniquement.
Unie, face à la charge de travail et à la pression qui sont souvent plus importants que dans nombre d’entreprises plus établies où tout est plus dilué.
Attention aussi au côté précaire qui sera potentiellement source d’inquiétude pour vos équipes.
Pour conclure et même si ces différents facteurs que sont le manque de financement, la méconnaissance de son marché, ses concurrents, sa cible, un business model inadapté, des défaillances en termes de qualité produit et une équipe peu cohérente et unie peuvent effrayer les nouveaux entrepreneurs hardware, il serait tout de même fort dommage de ne pas tenter l’aventure.
Alors, gardez dans un coin de votre esprit ces recommandations, lancez-vous et faites mentir ces statistiques !